L’idée de cet article n’est pas de te plonger dans le désespoir ou de te déclencher une crise d’angoisse !! mais de te faire prendre conscience des difficultés contextuelles avec lesquelles les parents en France doivent composer, c’est une réalité. Tes enfants n’en sont pas responsables et toi non plus, et comprendre quel impact cela peut avoir sur ton quotidien te permet d’adapter au mieux ton contexte et d’ajuster tes postures, peut-être d’éclairer certaines de tes décisions.
Mon intention est aussi de t’apporter des clés de compréhension à toi qui culpabilise peut-être de ne pas réussir à faire aussi bien que tu voudrais, et de mettre en lumière la pertinence dans certaines situations d’être accompagné.e, car quand on souhaite faire du respect de l’enfant une priorité, on est parfois (ou souvent !) amené à nager à contre-courant, c’est épuisant et un soutien peut s’avérer salvateur !!
En France on observe une surmédicalisation de la naissance, qui dans certains établissements a pour but, disons-le franchement, d’augmenter la productivité des services en raccourcissant la durée des accouchements.
Culturellement, on n'accouche pas autrement que sous péridurale (+80% des accouchements en France, un des taux les plus élevés au monde) et pas ailleurs qu'à l'hôpital: les alternatives sont peu nombreuses, contrairement à d'autres pays (maisons de naissance quasi inexistantes, peu de sages-femmes accompagnant l'accouchement à domicile ou en plateau technique).
Pourtant, selon Michel Odent, obstétricien pionner de la césarienne en France et fervent défenseur de l'accouchement physiologique, ces interférences avec les conditions physiologiques optimales d'accouchement (qui sont comme tout mammifère qui accouche, l'obscurité, le silence, l'intimité, la chaleur, absence de stress permettant de favoriser la production d'ocytocine, hormone essentielle au bon déroulement de l'accouchement), pourraient avoir des effets délétères sur le début de la relation que la maman tisse avec son bébé: mise en route de l’allaitement, lien d’attachement, perte de confiance dans ses capacités et un stress intériorisé par le bébé qui peut s’exprimer par des pleurs, un sommeil perturbé, etc.
Un certain nombre de femmes ressentent le besoin d'une “réparation” suite à leur accouchement. Dans ce cas-là, il ne faut pas hésiter à abuser du peau-à-peau, portage, solliciter l'aide de consultantes en allaitement…il existe aussi des bains enveloppants pour le bébé, soins rebozo pour la maman, etc.
Ridiculement court, comme tu l’auras remarqué, alors que les suédois bénéficient par exemple de jours, cette séparation précoce peut évidemment représenter un gros stress pour la maman et le bébé.
Quant aux mamans qui s’ennuient lors de leur congé et qui ont hâte de reprendre le travail, il y a là aussi quelque chose de culturel à interroger: l’isolement des jeunes mamans, l’absence de vrai congé pour le coparent, manque de soutien de l’entourage, non-accueil des bébés dans l’espace public (manque d’aménagements, hostilité à l’allaitement en public), perte du principe du continuum (bébé porté toute la journée, ce qui offre à la maman la possibilité de poursuivre sereinement sa vie d’adulte).
En France, les attentes concernant le sommeil des bébés est irréaliste: il devrait réussir à s'endormir seul, dans sa chambre et faire des nuits d'adulte dès les premiers mois … C'est mal connaitre le besoin physiologique des enfants d'un contact sensoriel rassurant avec la figure d'attachement pour s'endormir (et se rendormir), et ce parfois jusqu'à l'apparition des hormones de pré-puberté !! Au Japon par exemple, il est culturellement admis de dormir dans la même pièce que ses enfants.
Je t'invite donc à questionner les habitudes admises en fonction de ce que t'exprime ton enfant: répondre à ses besoins ne va pas lui donner de mauvaises habitudes, ça c'est bien la pire des idées reçues. Cela va simplement le rassurer, lui donner de bonnes bases affectives nécessaires à l'autonomie et préserver son estime de lui. Mon enfant rechigne-t-il à aller se coucher ? Me réclame-t-il pour s'endormir ? Présentait-il des signes de sommeil quand je lui ai proposé le coucher ? (comme les adultes, les enfants n'ont pas forcément sommeil à la même heure tous les jours…et ce même s'ils se lèvent à la même heure. Cela dépend de l'intensité de sa journée. Par ailleurs, et notamment s'ils ont passé toute la journée à l'école, ils peuvent ressentir un besoin plus impérieux de passer du temps avec leur figure d'attachement que de dormir ! Il faut garder en tête que le soir est un moment qui peut être anxiogène pour les enfants)
Le rythme de travail n’a pas évolué depuis que les deux parents travaillent ou que les familles monoparentales se démocratisent, alors que le temps de trajet moyen pour se rendre au travail a lui augmenté, ce qui rend le rythme de vie au quotidien effréné et infernal notamment lorsqu’on travaille à temps plein: peu de temps libre à consacrer aux enfants, aux tâches domestiques, à son couple, à soi-même !!
L’idéal, quand le besoin s’en fait ressentir et que c’est possible, de diminuer son niveau de vie et son temps de travail. Pas évident quand ce besoin n’est pas anticipé avant l’arrivée des enfants.
Les crèches, c’est peu de le dire, ne bénéficient pas des moyens nécessaires à l’accueil optimal des tout-petits et au respect de leurs besoins.
L’idéal est d’être à l’aise avec son choix pour être sereine et ne pas transmettre de stress à son bébé, et de bien comprendre que la personne qui va prendre soin de son bébé doit représenter une vraie figure d’attachement secondaire pour lui, afin qu'il se sente en sécurité: il vaut mieux s’assurer que c’est bien sa démarche, et bien vérifier le projet pédagoqique du lieu choisi. Enfin la période d’adaptation doit servir non pas uniquement à donner au bébé le temps de s’adapter mais aussi à permettre à la professionnelle de devenir aux yeux du bébé une vraie alternative de sécurité affective.
Je vais le dire clairement: la culture française est plutôt autoritaire et violente (En 2022, 79% des parents en France reconnaissent utiliser différentes formes de violences physiques et psychologiques* (gifles, fessées, cris, punitions, chantages, rapports de force, privations, humiliations…) selon le Baromètre des violences éducatives ordinaires publié par la Fondation pour l’Enfance, 2022)
Nous sommes, comme l’explique Marion Cuerq, spécialiste des Droits de l’Enfant, une culture qui cultive la méfiance vis-à-vis des enfants (ils font exprès de me rendre folle, ils font des caprices, ils sont insupportables ) ce qui cautionne l’autorité (il faut être ferme pour qu’ils comprennent qui est le chef, et ne pas se laisser bouffer, …), qui dérive vers la violence, quand l’enfant, à juste titre !! réagit fort à ce rapport de force si éloigné de ses besoins (punitions, cris, isolement, humiliations, chantage …)
Notre mentalité nous persuade ainsi qu’il faut mater les enfants. Ce n’est pas vrai …. naturellement, les enfants coopèrent et se laissent guider par leur figure d’attachement (réflexe de survie !!) à la condition que rien ne les en empêche : une émotion non entendue, un besoin non rempli, le manque de confiance consécutif aux rapports de force répétés. C’est donc un cercle vicieux qui se joue là: plus tu es autoritaire, moins ton enfant te fais confiance, plus il fait valoir ses besoins de sécurité et d’attachement avec des comportements qui attirent l’attention et qui ne sont pas tolérés par notre culture, plus tu es autoritaire …et c’est la relation, ainsi que l’estime de l’enfant qui trinquent. Quel gâchis !
Notre éducation et les conditionnements qui en découlent
Nous avons expérimenté, pour la majorité d'entre nous, cette vision négative de l’enfant, et avons appris à nous couper de nos besoins, à prendre sur nous….résultat: on ne sait pas gérer nos émotions, mettre nos limites, se préserver … on se transforme en cocotte minute et parfois sans comprendre, on "pète un câble" et on se met à crier sans pouvoir se maîtriser.
Cela demande de se reconnecter à soi, mieux se comprendre, mieux se respecter, être plus ancré, apprendre à exprimer ses besoins de façon saine et authentique, pour être en capacité de prendre soin sereinement d’un petit être aux besoins si intenses et si immature émotionnellement.
L'école
La loi anti-violences votée en 2019 interdit les violences éducatives ordinaires dans l’espace familial mais pas au sein de l’école publique, c’est bien dommage !!
Malgré les exemples fructueux que nous avons autour de nous et notamment les pays nordiques, qui ont fait évoluer les journées des écoliers vers plus de liberté, de souveraineté, moins de compétition, d’évaluation, plus de coopération …et plus aucune violence évidemment, notre école s’acharne à conditionner nos enfants à se couper de leurs besoins, en leur imposant des journées bien trop intenses et les exposant constamment à la sacro-sainte frustration. Evidemment pour contenir les enfants qui, fatalement réagissent pour la plupart assez mal à ce régime, on utilise les punitions, les menaces, les humiliations….C’est là où ce sujet devient politique; quel intérêt de maintenir un système si peu respectueux du rythme naturel des enfants, si ce n’est les préparer à un monde du travail tout aussi éloigné, dans sa logique capitaliste, productiviste et courant derrière la croissance infinie, des besoins humains ? On peut se dire, résignés, qu’il faut bien préparer ses enfants à la société telle qu’elle est faite, je préfère personnellement les habituer à respecter leur intégrité, afin qu’ils sachent une fois adultes se préserver et faire des choix de vie écologiques pour eux.
L'espace public
Je terminerai avec l’hostilité ambiante envers les enfants dans l’espace public, au sein duquel tout comportement inhérent à un enfant en bonne santé (cris, joie, émotions fortes, maladresses, …) est intolérable et sévèrement jugé à coups de regards assassins et de soupirs dédaigneux. Ne parlons même pas de l’allaitement, qui est stigmatisé de façon incompréhensible: en quoi est-il répréhensible de nourrir son enfant en public ? Sûrement du fait que notre culture a sexualisé les seins de la femme tout en occultant complètement leur fonction maternelle. Un comble...
En bref, si on souhaite à nos enfants une vie respectueuse de leurs besoins et de leurs envies, comme le décrit d’ailleurs la Convention des Droits de l’Enfant, nous ne sommes pas vraiment soutenues !!
Je t’invite donc à t’informer pour prendre de l’assurance face à l’adversité, à prendre soin de toi pour cultiver tes ressources, et à te faire accompagner si tu te sens dépassée.
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